‘Un soir après un concert où nous avions été très bons … comme à I’accoutumée, je me suis glissé dans la peau d’un spectateur, et ainsi, incognito, j’ai observé les gens se presser autour de notre chef, et j’ai écouté leurs commentaires.
Tout ceci m’a fait penser à la fameuse tirade du nez, vous savez dans Cyrano :
« Ah non ! c’est un peu court jeune homme I
On pouvait dire. Oh Dieu ! … bien des choses en somme »
et cela, n’a inspiré ce qui suit :
MUSICIEN :
Cet envol de dièses parsemés de bémols surtout en ut majeur
De l’adagio de classe, Monsieur, et je suis connaisseur.
LYRIQUE :
Je dois vous I’avouer c’était vraiment très beau
Pourquoi ne pas chanter « Le grand air de Nabucco »
PAYSAN :
Cré vain Dieu de B.Dieu, le truc « A la campagne »
Ca m’a rappelé la transhumance, vous savez là haut dans les montagnes !
EROTIQUE :
Dites, on a pensé que c’était surtout pour nous
Que vous interprétiez « les plaisirs sont doux ».
GAFFEUR :
C’était très bien et ça n’a pas bougé
Je ne souviens de vous en 1927 c’était à Montpellier.
PIED NOIR :
Bah, bah, bah, quelle classe la purée !
j’ai même cru un moment que j’allais en pleurer.
INTEGRISTE :
Attention à un moment dans’ L’Agnus Dei’
Insistez beaucoup plus au « peccata mundi ».
MILITAIRE :
Affirmatif, je confirme au rapport. très bien !
Mais quand chanterez vous « Le Chant des Africains »
SNOB :
Pour tout vous dire, monsieur j’ai été ébloui
Je me croyais, comment dirais-je, aux Choralies.
BAYARD :
Je dois en convenir je me suis régalé
Surtout quand le ténor chante »Tece voda tece »
INCONSCIENT:
Quand on a votre niveau pour ne pas végéter
Achetez donc une église ou un théâtre désaffecté.
DISTRAIT :
Je ne suis pas sur et voudrais pas le jurer
Mais j’ai bien cru entendre Chantesource chanter.
RAPEUR :
Je ne suis pas ouf et trouve ça très ienb
Et la prochaine oif on chante a’c les copains !
INCONDITIONNEL :
Je vous écoute partout et c’est toujours un enchantement
malgré le décalage horaire, car je viens de Mornant.
BLASE :
A part des chants profanes et quelques chants sacrés
C’est toujours pareil ce que vous interprétez.
MARSELLLAIS :
O fan de pied, qué régal !Juste un petit bémol
Pas une seule chanson du pays de Pagnol !
Et puis soudain j’ai vu arriver une délégation européenne, c’est normal, vue notre renommée, et voilà quelques extraits de ce que j’ai entendu :
BRITANNIQUE :
Wonderful, marvellous, great my God (be in my head)
Mais la prochaine fois chantez le en Anglais !
GERMANIQUE:
Ich bin vraiment en « fuhrer » comme ma cousine
Car fous n’afez pas chanté le fameux « Rosmarin ».
HELVETIQUE :
On savait que les Français avaient plus d’un tour dans leur sac
et c’est vrai, quand vous I’avez chanté qu’y avait pas I’feu au lac.
ITALIEN :
Madona mia cara è bellissima
Sono molto contento Tchao Jeannot !
IBERIQUE.
Io soy un ombre sincero
Et yé vous dis, sénor Joan, c’était très beau !
On a même passé le Détroit de Gilbratar puisque est venu un
MAGHREBIN : Je va vos dir m’siou Jean, c’était très jouli
Mais chez nous les fatma y chantent pas dans les mosquis !
J’en ai vu défiler de tous ces spectateurs
Friands de pouvoir dire au Chef quelque chose
Mais il faut arrêter ici ce bavardage
A m’écouter parler ça vous prendrait des heures.
Je déclare donc que vous m’avez assez entendu
De plus dans vos regards je sens que je ne suis pas cru.
Aussi je conclurai vraiment tout à trac
Allons trinquer ensemble grâce au Blanc de Gaillac. »
Paul MAILLET
Juin 1999